(c) Photo réalisée à partir d’une peinture de Hélène
Delmaire
Rentrer chez toi. Balancer les clés par la fenêtre. Longer le trait de lumière qui sépare la chambre du salon, comme une caresse que la folie urbaine viendrait t’offrir avant la pleine nuit. S’écrouler sur le fauteuil de l’entrée. Enlever ta veste. Chercher le chat. Ne pas trouver le chat. Remettre ta veste.
Marcher. Vers un cinéma, plonger dans le cadre, s’en extraire. Emporter un film, le confier à toi-même.
Le garder ou le jeter.
Dire bonjour à Marcel, embrasser Lucia. Se méfier de l’eau qui dort. Remercier Mounia pour la place de théâtre. Appeler Pauline. Éplucher une pomme sur le seuil du petit balcon et se demander où commence réellement l’alcoolisme.
Ouvrir une bouteille de vin. Récupérer tes clés. Rappeler Pauline. Le sujet est important.
Déclarer ouvert le petit musée de paix, celui qui fait refuge le temps d’une respiration. Faire brûler les cheminées de l’âme dans ce petit musée et jeter des gants rouges dans un bain de lait.
Braises sur ta peau. Guirlande d’astres épinglée aux chairs.
Chercher le chat, se coucher sous les lits. Ne pas trouver le chat. Traverser la cuisine, sentir la fraîcheur du basilic.
Finir ton verre et répondre à Pauline.
Chercher des collines dans les sillons des rues, et des chevaux sur les toits de la ville.
Raccrocher. Caresser le chat.
Penser que ta tête n’a pas de frontières, elle. Une tête sans fond. Et penser que cela pourrait suffire.
Le vin, ta tête sans fond, les impulsions de Nick Cave. Le sourire de Mounia.
Cela pourrait suffire si les fenêtres n’étaient pas des cieux sans fond, eux aussi, cousus entre eux comme des plages noires, tendues, épaisses et chaudes, comme le ventre d’une louve.
L’impression de ne pas être faite pour ce monde. De t’être trompée de lieu et de temps.
Traverser la chambre en courant et éclairer la cheminée avec tes yeux.